on revient au premier rapport:
Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusiveB. FAIRE TOMBER LES MURS : UNE AMBITION POUR L'ACCOMPAGNEMENT MÉDICO-SOCIAL ENCORE IMPARFAITEMENT COORDONNÉE
(1) La prévention et le rôle des CAMSP http://www.senat.fr/rap/r18-035/r18-0356.html#toc237
1) La prévention et le rôle des CAMSPLe premier enjeu de ce chantier réside donc dans le dépistage et la prévention. Il s'agit d'une dimension particulière - et historiquement peu exploitée - de l'accompagnement des personnes handicapées, qui doit faire l'objet d'une prise en compte spécifique. En effet, il ne s'agit pas de déléguer à des gestionnaires associatifs une mission d'accompagnement pluridisciplinaire, mais de mobiliser des compétences médicales et scientifiques précises aptes à prévenir le développement du handicap.
La mission de prévention présente donc des caractères fondamentalement distincts de la mission d'accompagnement et requiert de ce fait une politique et des actions entièrement à part.
Les missions de dépistage sont assurées par des structures à part, les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP). Leur fonctionnement se distingue à plusieurs titres :
- par la structure de leur personnel, ils ne sont rattachables à aucune des trois grandes missions de l'accompagnement des personnes handicapées identifiées par votre rapporteur (accompagnement médico-social, aide à l'insertion à la vie sociale, construction d'un parcours socio-éducatif). Leur personnel se compose essentiellement de personnels médicaux et paramédicaux spécialisés (médecins, psychomotricien, psychologue, orthophoniste), mais de très peu d'infirmiers. Les éducateurs et travailleurs sociaux n'y sont que moyennement représentés59(*). Leur mission n'a donc pas vocation, à l'instar des autres services et établissements médico-sociaux, à s'inscrire dans le temps ;
- leur financement, assuré à 80 % par une dotation globale annuelle de l'assurance maladie et à 20 % par les conseils départementaux, indique une mission avant tout médicale ;
- leur distinction du champ de l'accompagnement des personnes handicapées est enfin confirmée par l'absence d'obligation de notification de la MDPH pour être accueilli en CAMSP.
Votre rapporteur souhaite donc insister sur ce point : il ne paraît pas judicieux, au prétexte d'une identité des publics suivis, que le dépistage et la prévention des handicaps aient été inclus dans le champ plus vaste de leur accompagnement médico-social. L'inscription des CAMSP au rang des établissements et services médico-sociaux de l'article L. 312-1 du CASF a ainsi entretenu une confusion dommageable au bon exercice de leur mission. Votre rapporteur estime que cette dernière doit distinctement relever de la politique sanitaire déployée par l'ARS, et notamment bénéficier du dispositif neuf des PCPE.
Il conviendrait en outre d'interroger l'intégration obligatoire des CAMSP au périmètre du Cpom qu'a prévue la LFSS pour 201760(*). L'opportunité de cette mesure peut être en effet questionnée au regard des risques d'effets de filière précédemment évoqués : un même gestionnaire chargé du dépistage d'un handicap et de son accompagnement médico-social sur le long terme peut être exposé à certains biais de diagnostic.
Certaines pistes de réforme du dépistage et de la prévention ont été récemment lancées dans le domaine particulier des troubles du spectre autistique et méritent qu'on s'y penche.
Autisme : les enjeux du dépistageAprès avoir pâti d'un défaut structurel d'organisation et de financement, l'action menée en faveur du dépistage des troubles du spectre autistique semble récemment connaître une inflexion notable.
Les spécificités liées à l'autisme ont conduit les pouvoirs publics en 2005 à généraliser le dispositif jusqu'alors expérimental du centre de ressources autisme (CRA), dont les missions se sont progressivement tournées vers le diagnostic précoce. À la différence des CAMSP, dont ils prolongent l'action en matière d'autisme, les CRA ne sont pas intégrés au sein des Cpom et font l'objet d'un maillage territorial ainsi que d'une gestion à part. Bien que formellement désignés par l'article L. 312-1 du CASF comme établissements médico-sociaux, ils sont la plupart du temps rattachés à un établissement de santé. Comme le relève un récent rapport de l'IGAS, et conformément à ce que votre rapporteur a précédemment évoqué sur le rattachement nécessaire de la mission diagnostique à la politique sanitaire, « l'efficacité du CRA passe avant tout par le portage médical, ce qui est logique s'agissant d'une activité où la place du soin, et encore davantage du « prendre soin » est primordiale »61(*).
Plusieurs difficultés de fonctionnement ont été néanmoins relevées. La mission d'animation d'un réseau régional de l'autisme est appliquée de façon très hétérogène, les délais d'attente des familles excèdent souvent une à deux années, et l'intégration de ces structures, dans quelques cas, à des établissements hospitaliers spécialisés dans les soins psychiatriques ont contribué à établir un bilan en demi-teinte.
La stratégie nationale pour l'autisme lancée en 2018 a donc identifié comme principal levier de réforme du dépistage le financement d'un « forfait interventions précoces ». Conforme à l'inflexion qualitative générale, l'efficacité du dépistage ne repose désormais plus sur l'efficacité d'un type de structure, mais sur l'efficacité d'un parcours assurée par la solvabilisation des familles et leur recours aux interventions de professionnels non conventionnés. 106 millions d'euros sont annoncés pour le financement de ce forfait sur la période 2018-2022.
Votre rapporteur préconise que la réforme lancée sur le champ particulier de l'autisme irrigue à terme l'ensemble du champ de la prévention des handicaps.
Proposition n° 13 : réformer la politique de prévention des handicaps autour du séquençage suivant :
- à court terme, revenir sur l'intégration obligatoire des CAMSP au sein des Cpom, afin de contrer la confusion dommageable entre diagnostic et accompagnement et diminuer le risque d'effets de filière ;
- à moyen terme, réaffirmer la mission médicale des CAMSP en favorisant leur rattachement à des établissements de santé ;
- à long terme, substituer, sur le modèle de la stratégie nationale pour l'autisme, le financement des interventions de professionnels non conventionnés (psychomotriciens, orthophonistes, psychologues) au financement direct de la structure.