http://pluzz.francetv.fr/videos/c_l_hebdo_,154744862.html diffusé 11 mars 2017
VOIR A PARTIR 31 minutes
merci Julie
-----------------------------------------------
et Olivia C. ce jour:
Ma Tribune publiée dans le JDD d'aujourd'hui : Cher François Fillon, quelques jours ont passé après que vous avez déclaré « Je ne suis pas autiste » devant la France entière.
« Nous accédons au monde à travers les mots », disait Emmanuel Levinas. « Les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action », a écrit Hanna Arendt.
Je suis une femme de lettres, journaliste et écrivaine, et les mots ont toujours eu pour moi une valeur essentielle. Et je suis une femme d’action militant depuis de nombreuses années pour le droit des femmes et des personnes handicapées ; une femme touchée deux fois dans ma chair par le handicap, avec l’autisme de mon frère puis celui de mon fils. Vous comprendrez pourquoi cette phrase prononcée devant des millions de personnes a pu à ce point me heurter.
Les mots sont là pour faire rire ou pleurer, défendre des idées ou provoquer, enseigner et éduquer. Ils peuvent aussi blesser.
Lorsque j’écris, je me relis sans cesse afin de me demander si les autres comprendront ma pensée et la personne que je suis. Mais si je blesse, je m’excuse de ma maladresse. Parce que personne n’est à l’abri d’un faux pas et qu’il faut avoir en soi l’humilité nécessaire pour reconnaître ses failles.
C’est cette humilité-là qui fait les grands hommes, pas l’obstination à ne pas demander pardon publiquement. Le général de Gaulle, que vous admirez tant, avait une fille handicapée. Pensez-vous qu’il aurait utilisé un mot touchant à la fragilité et à la santé publique de ses concitoyens ? Nous, parents d’enfants différents, ces mots-là ajoutés à tout le reste nous enfoncent un peu plus dans la détresse, la colère et l’isolement.
Les 650 000 personnes autistes vous regardaient peut-être dimanche lorsque vous avez répété à trois reprises lors d’un journal d’informations que vous n’étiez pas comme eux. Ce pauvre petit peuple de familles, d’aidants et de soignants que vous aspirez à représenter vous regardait également.
Mais de quoi vous défendiez-vous ? De ne pas être cet autiste qui dans l’imaginaire collectif est complètement enfermé dans son monde ! Mais l’autisme a tellement de visages différents. Il a le visage de mon fils Asperger de 11 ans à l’intelligence hors norme et qui parle trop. Il a le visage d’Alexandre qui parle peu mais qui joue au golf avec une grâce déconcertante. Il a le visage de ce vieux libraire qui vit dans une terrible pauvreté mais vous récite n’importe quel poète par cœur. Il a le visage de tous ces autres pour lesquels les parents se battent au quotidien. Il a aussi le visage de ceux que l’on gave de médicaments et que l’on enferme dans des hôpitaux parce que notre chère France a quarante ans de retard sur la prise en charge des personnes autistes.
Alors ce monde où l’on banalise tout, jusqu’aux mots, me désespère. Ce monde où la pensée raccourcie ne va pas plus loin qu’un tweet me désespère. Ce monde politique violent où l’humanité et l’empathie n’ont plus leur place me désespère.
Parce que chaque jour de notre vie, nous sommes face au handicap de notre enfant. Et qu’il nous faut un courage indicible pour montrer aux autres qu’il est capable d’étudier, d’apprendre un métier, de faire du sport ou de la musique, qu’il est tout simplement capable de…
Les mots ont un sens qu’il nous faut tous respecter pour ne pas que la pensée se perde. Les mots sont capables d’ouvrir à la différence ou d’enfermer dans de terribles clichés. Des clichés qui se banalisent tellement qu’ils deviennent des éléments de langage que tout le monde finit par trouver acceptables.
Mais lorsque ces préjugés deviennent des discriminations quotidiennes, il est trop tard.
Les femmes, les juifs, les musulmans, les noirs, les homosexuels en ont fait les frais tout au long de l’Histoire. Il ne faudrait pas que les personnes autistes et handicapées soient les nouvelles cibles de cette société en crise et en déliquescence.
Et comme l’écrit Alain Bentolila, « lorsque parler est un défi, il faut puiser dans les mots rares, justes, et adaptés ».
merci, Olivia C.
-----------------------------------------------
merci à Magali P.